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Robert Guédiguian / 2017

La Villa


>> Geneviève Sellier / jeudi 30 novembre 2017

Faut-il attribuer au dramaturge Serge Valletti, ici co-scénariste, la complexité nouvelle du dernier film de Robert Guédiguian ?

Si l’on retrouve le trio formé depuis 20 ans de ses acteurs fétiches, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, il élargit ici sa palette avec des acteurs et actrices des générations suivantes, Anaïs Demoustier et Robinson Stévenin en particulier. Et l’histoire qui paraît d’abord limitée aux retrouvailles de trois frères et sœur autour de leur père paralysé par une attaque, dans la solitude hivernale d’une calanque marseillaise où est bâtie la maison familiale, elle s’élargit finalement à l’actualité la plus brûlante, avec la découverte de trois enfants rescapés d’un bateau de migrants clandestins qui s’est échoué non loin de là.

Entretemps, il y a eu des tentations de règlements de compte entrecoupées de tentatives de rapprochement entre les trois frères et sœur, perturbées opportunément par la présence des plus jeunes. Pour une fois, la relation amoureuse entre un homme d’âge mûr, Joseph (incarné par Darroussin, 64 ans) et une jeune femme, Bérangère (Anaïs Demoustier, 30 ans) n’est pas idéalisée : elle l’accompagne pour ces retrouvailles familiales mais ils sont en train de rompre, leurs intérêts étant trop éloignés, lui attaché à sa vieille culture communiste, elle tournée résolument vers les formes les plus « modernes » de la réussite.

En revanche, Ariane Ascaride qui incarne une actrice d’âge mûr (elle a le même âge que Darroussin) dont on comprend qu’elle joue désormais dans des téléfilms après avoir brillé dans un théâtre d’avant-garde, est l’objet d’une métamorphose étonnante dans le temps du film : quand elle arrive, le visage fermé, les traits tirés par un chignon austère, après vingt ans d’absence, elle porte le malheur sur son visage (on comprend qu’elle n’a jamais pardonné à son père la mort de sa fillette, à qui elle l’avait confiée, par noyade). Mais peu à peu, elle s’humanise, lâche ses cheveux, troque son manteau de loden contre un blouson de cuir, accepte de pleurer en retrouvant la chambre de sa fille, avoue à ses frères sa propre culpabilité dans sa mort, puis réapprend à sourire grâce à la cour assidue et maladroite que lui fait Benjamin (Robinson Stévenin, 36 ans), le fils d’un des pêcheurs de la calanque qui a repris le métier, tout en pratiquant le théâtre en amateur depuis qu’il en a eu la révélation grâce à Ariane.

Transgressant les normes de genre dominantes, Guédiguian rend crédible et émouvante cette relation amoureuse, où le personnage féminin est aussi éloigné que possible du stéréotype de la cougar.

Enfin, si la jeune génération, représentée aussi par le fils des voisins, médecin reconverti dans l’industrie pharmaceutique mondialisée, apparaît majoritairement comme très éloignée des idéaux communistes des trois frères et sœur, tous vont finalement se retrouver dans la décision de venir en aide concrètement aux enfants migrants… Le film échappe ainsi au manichéisme qui caractérise certains autres films de Guédiguian.

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