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Bill Holderman / 2018

The Book club


>> Geneviève Sellier / mercredi 13 juin 2018


On ne sait pas s’il est gérontophile ou s’il a flairé un bon filon (sans doute les deux) mais Bill Holderman, le réalisateur, s’est d’abord signalé comme co-scénariste et co-producteur de deux films avec Robert Redford (81 ans) Les Randonneurs amateurs, sorti en 2015, où il est en duo avec Nick Nolte (77 ans) et The Old Man and the Gun (sorti aux USA en 2018 et pas encore chez nous).

Il passe à la réalisation en exploitant le même filon, cette fois-ci avec quatre actrices sexa-, septua- et octogénaires – sans doute parce qu’il faut au moins quatre femmes pour faire le poids – Jane Fonda, Diane Keaton, Candice Bergen et Mary Steenburgen, quatre amies qui vivent sur la côté Ouest, et se réunissent régulièrement pour commenter un livre que chacune choisit alternativement. Quand vient le tour de Vivian (Fonda), qui est la seule à avoir encore une activité sexuelle (avec des hommes de rencontre), elle propose par provocation le best-seller de E.L. James 50 nuances de Grey.

On devine la suite : la lecture émoustillante de ce « mummy porn » (porno pour mère de famille) réveille leur libido…

Toute la première partie qui décrit les différents types d’abstinence sexuelle imposée aux femmes d’âge mûr est assez drôle parce qu’elle se base sur des observations que tout le monde peut faire, et les quatre actrices ont l’air de bien s’amuser ensemble.

En revanche, à partir du moment où le scénario entreprend de leur faire rencontrer des hommes, le film devient beaucoup plus problématique (et beaucoup moins drôle) parce qu’il perd toute vraisemblance : contrairement à ce que veut nous laisser croire le stéréotype de la cougar, les femmes d’âge mûr (et c’est évidemment encore plus vrai pour les femmes du 3e et du 4e âge) sont le plus souvent délaissées par leur compagnon pour une femme plus jeune (qui a souvent l’âge d’être leur fille), en tout cas dans les milieux favorisés où les hommes peuvent monnayer leur pouvoir social.

Or dans ce film, les hommes qui manifestent leur désir pour l’une ou l’autre des protagonistes sont nettement plus jeunes qu’elles : Andy Garcia a dix ans de moins que Diane Keaton (qui est en plus très enlaidie dans ce personnage de veuve austère toute dévouée à ses filles) ; Don Johnson a douze ans de moins que Jane Fonda (dont le visage est particulièrement marqué par la chirurgie esthétique).

Ironiquement, on peut faire l’hypothèse que les hommes vieillissant moins bien que les femmes parce qu’ils prennent moins soin de leur corps, il a fallu faire cette entorse à la vraisemblance pour qu’on puisse croire à l’attirance qu’elles éprouvent !

La seule situation tristement vraisemblable est celle de Sharon (Candice Bergen qui semble avoir échappé à la chirurgie esthétique grâce à ses rondeurs sympathiques !), une juge fédérale qui se consacre exclusivement à son travail depuis qu’elle a été abandonnée par son mari dix-huit ans plus tôt ; elle apprend qu’il projette de célébrer ses propres fiançailles avec une bimbo, à l’occasion de celles de leur fils. Mais là aussi, le film rate sa cible, en faisant tenir à Sharon un discours lénifiant sur l’amour lors de la fête où elle a accepté de venir. On en est humiliée pour elle.

La seule qui a encore un mari à la maison, Carol (Mary Steenburgen), lequel manque d’ailleurs singulièrement de séduction (Craig T. Nelson), tente désespérément de réveiller sa libido jusqu’à lui mettre du viagra dans sa bière : bien mal lui en a pris ; elle devra faire piteusement amende honorable avant d’obtenir son pardon et la manifestation consécutive de son désir…

Dans une logique typiquement hollywoodienne (qui est plus largement celle des productions culturelles grand public), le film qui avait commencé par mettre le doigt sur un vrai problème social (la façon dont les femmes d’âge mûr sont mises à l’écart du circuit du désir), l’évacue ensuite en le réduisant à un problème psychologique : si ces femmes n’ont plus d’activité sexuelle, c’est parce qu’elles se sont elles-mêmes interdit d’en avoir. Quant à celle (Jane Fonda) qui au contraire, s’interdit d’avoir un attachement amoureux pour se contenter de rencontres sexuelles, elle va se rendre compte que la seule vraie valeur, c’est l’amour !

Tout ça pour ça !!!!


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