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François Ozon / 2023

Mon crime


par Geneviève Sellier / samedi 1er avril 2023

Du boulevard paresseux et opportuniste...

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François Ozon est un cinéaste à la fois prudent et malin : quand ces films flirtent dangereusement avec un four, il trouve dans le répertoire du boulevard une pièce à succès qui lui permet de réunir une palette d’acteur.ices connu.es et moins connu.es autour d’une intrigue bien ficelée. Histoire de rappeler aux producteurs qu’il est toujours bankable... Recette dont le succès est éprouvé : 3,7 millions d’entrées pour Huit femmes en 2002 ; 2, 3 millions d’entrées pour Potiche en 2010, propres à faire oublier les 62 000 entrées de Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000), les 114 000 entrées du Refuge (2010) et dernièrement les moins de 82 000 entrées de Peter von Kant (2022)…

Avec Mon crime de Georges Berr et Louis Verneuil, une pièce créée en 1934 avec Edwige Feuillère, Ozon a sans doute pensé avoir trouvé un bon filon : l’intrigue met aux prises une jeune actrice (Nadia Tereszkiewicz) en quête de rôle, accusée du meurtre d’un vieux producteur libidineux (Jean-Christophe Bouvet) – suivez mon regard du côté de l’affaire Weinstein. Elle sera défendue par sa coloc, une jeune avocate (Rebecca Marder), aussi fauchée qu’énergique, qui rédigera pour sa cliente une vibrante diatribe contre le patriarcat – suivez mon regard du côté de #MeToo.

Malheureusement, cette fois ci, la ficelle est un peu grosse, et les numéros d’acteurs laissent souvent à désirer : Lucchini et Dany Boon sont carrément grotesques et Isabelle Huppert arrive un peu tard pour insuffler de la fantaisie à ce pensum. Ne parlons pas du pauvre Dussolier dont on se demande ce qu’il vient faire dans cette galère… Quant à Myriam Boyer, on est humilié pour elle de ce minuscule rôle de concierge !

Ce qui m’a également choquée, ce sont les reconstitutions dispendieuses de scènes de rue avec voitures et figurants en costumes d’époque, inutiles évidemment dans cette pièce de boulevard et sans autre justification que d’en mettre plein la vue !
Huit femmes réussissait la performance de faire chanter les plus grandes actrices françaises du moment. Potiche permettait à Catherine Deneuve de déployer sa verve comique dans une pièce où la grande Jacqueline Maillan avait eu un triomphe. Mon crime est nettement plus paresseux : il se contente d’appliquer les recettes du boulevard avec un opportunisme un peu trop voyant.


générique


Polémiquons.

  • Oserais-je avouer ici mon plaisir que j’ai eu à voir ce film ? Quelle belle opportunité d’adapter cette pièce de théâtre, quel rythme, quelle cadence dans la succession de l’intrigue ! aucune longueur (le défaut hélas de bien des films d’aujourd’hui) même si on aimerait goûter davantage le plaisir d’une si bonne distribution d’actrices et d’acteurs (ah la scène au Tribunal avec Michel Fau et Daniel Prévost)
    Bref un vrai bijou bien maîtrisé !

  • J’adore certains films d’Ozon (Une Robe d’été, Potiche, Dans la Maison, Frantz), d’autres moyennement (Swimming Pool, 5X2, Angel, Jeune et jolie) et d’autres pas du tout (Une nouvelle Amie, l’Amant double). J’ai trouvé "Mon Crime" moyen : certaines longueurs heureusement contrebalancées par la verve d’Isabelle Huppert. Mais ce qui m’a le plus gênée, c’est le personnage de Dany Boon. Son M. Palmarède n’est là que pour agiter le drapeau "Not all men". Quel intérêt ? On sait bien que tous les hommes ne sont pas des porcs. En plus, cela amoindri le personnage de Madeleine. Elle m’a paru très cruche quand elle se dénude. Bref, ce film qu’on nous vend comme "profondément féministe" (dixit son interprète sur France Inter) cache quand même quelques misogynies. Dommage.

  • J’ai trouvé le temps long jusqu’à l’arrivée d’Isabelle Huppert (sans être une fan inconditionnelle de cette actrice), puis d’André Dussolier, qui m’ont fait rire. Huppert dynamise les scènes, en effet. Dans cette première partie, j’ai senti le théâtre filmé, malgré la volonté d’aérer le film avec des scènes d’extérieur (dialogues trop longs et explicatifs ? ).
    J’ai le sentiment d’avoir vu un film plus amoral que féministe : il faut maintenir les apparences de vertu ou de probité, mais ceux qui s’en sortent savent que la corruption règne et en jouent ; la victime doit jouer le rôle de la bonne victime, mais pas se comporter comme une victime en coulisses ; finalement peu importent les faits, du moment qu’on en tire profit. Dans l’esprit, cela fait penser à la comédie musicale Chicago.
    Mon conjoint a davantage aimé le film que moi et ne s’est pas ennuyé.

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