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Andréa Bescond et Éric Métayer / 2018

Les Chatouilles


>> Geneviève Sellier / mercredi 21 novembre 2018


À une semaine d’intervalle, sortent sur les écrans deux films français qui traitent, l’un obliquement, l’autre frontalement, des abus sexuels [1] sur une enfant, dans le premier par le père (Un amour impossible), dans le second par un ami très proche de la famille (Les Chatouilles). Est-ce le signe que sur ce sujet là aussi, le tabou commence à être levé ? On l’espère.

Le film, adapté d’une pièce autobiographique d’Andréa Bescond [2], déborde de l’énergie de son autrice (elle est danseuse, dramaturge, cinéaste et actrice, excusez du peu !), qui joue son propre rôle. Et le dispositif narratif qu’elle a adopté est très convaincant, autour des souvenirs qui ressurgissent chez la psy, quand elle trouve enfin la force de soulever la chape de plomb qui l’empêche de vivre depuis les viols qu’elle a subis dans son enfance.

Odette adulte, incarnée par Andréa Bescond, rythme le récit par sa danse acrobatique, un mélange de hip-hop et de danse contemporaine littéralement époustouflant : ses performances ont deux vertus, témoigner de sa capacité de résilience et donner au film un souffle qui pulvérise l’horreur du traumatisme enfantin, lequel est évoqué en mettant l’accent sur l’emprise qu’exerce sur la petite fille de huit ans cet homme effroyablement doux et souriant, dont tout l’entourage est dupe, à commencer par les parents de la fillette.

Il faut saluer également la performance terrible de Karine Viard en mère mal aimante, qui non seulement a exercé sur sa petite fille une autorité cassante et aveugle, mais refusera de l’écouter quand elle viendra enfin révéler à ses parents les viols qu’elle a subis enfant, de la part d’un homme qui est toujours l’ami de la famille. Il n’y aura pas de happy end dans les rapports mère-fille… Malgré cela, Odette-Andréa parvient à se reconstruire, à sortir de la drogue et des comportements suicidaires, grâce à la psy (remarquable Carole Franck), grâce à la danse et bien sûr grâce à la création artistique que représentent la pièce et le film. Parcours de combattante que le style du film parvient magnifiquement à incarner.


>> générique


Polémiquons.

  • Bonjour,

    Votre critique me parait assez juste et décrit bien la structure du film, son énergie, sa justesse d’interprétation et la réalité d’un drame qui arrive très souvent et surtout la longévité de la guérison.

    J’aurai une réserve quand même sur le rôle de la mère qui porte à elle seule dans ce film tous les préjugés sur le viol. Tous les personnages masculins sont positifs à part le violeur..
    Seule la mère est quasi monstrueuse et incarne à elle seule les préjugés, tous, la responsabilité de la victime, la minimisation de l’offense, la protection du violeur lui-même.
    Je suis un peu choquée de voir que ce serait seulement la mère qui porterait absolument tous les préjugés les plus horribles sur le viol, qui plus est de sa fille.
    Je crois aussi sincèrement que si le père avait été aussi exemplaire que dans le film, la petite fille se serait à un moment ou l’autre confiée à lui.. Enfin il me semble.. m
    ême si ce n’est pas une évidence
    Le fait d’avoir uniquement des personnages positifs masculins autour de la victime me gêne un peu. Le viol est quand même le produit du patriarcat..

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[1Je me refuse absolument à employer le mot « pédophilie » qui signifie en grec « amour des enfants ».

[2Son spectacle « Les Chatouilles ou la danse de la colère » a reçu le Prix d’interprétation féminine d’Avignon Critique OFF 2015, le Molière du meilleur seul(e) en scène en 2016, le Prix Nouveau Talent Théâtre SACD 2016 et le Prix Jeune Talent de l’Académie Française 2016.