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Depuis une dizaine d’années, Bruno Podalydès (le frère de…) nous offre régulièrement des comédies chorales, c’est-à-dire avec une distribution multiple qui puise dans le haut du panier des comédien.nes français.es en vogue dans le cinéma d’auteur au sens large, un cinéma qui parle des bobos aux bobos. Une certaine veine poétique nourrissait Adieu Berthe (2012), Comme un avion (2014) Bécassine ! (2018) ou Les 2 Alfred (2020). Avec Wahou ! on est plutôt dans une comédie sociétale sur les façons dont les bobos fantasment leur habitat, bien loin de la question du logement telle qu’elle se pose avec tant d’acuité aujourd’hui pour des millions de Français.es des classes moyennes et populaires.

L’agent immobilier est décidément un personnage qu’affectionne le cinéma d’auteur : Lambert Wilson et André Dussolier l’étaient déjà dans le mémorable On connaît la chanson (Alain Resnais 1997), et Mathieu Amalric en donnait une version poético-burlesque dans la mini-série du même nom en 2019 (L’Agent immobilier, écrite et réalisée par Etgar Kerel et Shira Gelfen pour Arte). Wahou ! utilise un dispositif proche de celui du film de Resnais. Mais cette fois, c’est un duo mixte, Karin Viard et Bruno Podalydès, agents immobiliers dans la banlieue résidentielle (Bougival), qui font visiter alternativement une maison « d’exception » au milieu d’un parc « piscinable » mais longé par le RER, et un appartement en cours de finition dans le centre, clair, fonctionnel, moderne. Le film décline une version masculine (désinvolte et approximative) et féminine (consciencieuse et un peu psychorigide) de l’agent immobilier, et des versions diverses des clients potentiels de la maison et de l’appartement. D’excellent.es comédien.nes, connu.es (Agnès Jaoui, Sabine Azéma, Eddy Mitchell, Roschdy Zem, Denis Podalydès) ou moins connu.es (Isabelle Candelier, Patrick Ligardes, Manu Payet, Florence Muller), font le job, avec des dialogues bien écrits qui ajoutent une touche de fantaisie ou de comique à chaque type sociologique proposé. On ne s’ennuie pas, on sourit souvent, on rit même quelquefois mais au bout du compte, on est quand même frappé par la vanité de l’entreprise, même si on peut se réjouir que le film donne des (beaux) rôles à plusieurs actrices de plus de 50 ans...

Les visites donnent lieu à une suite de sketches, où chacun.e fait son numéro, au sens littéral (Agnès Jaoui cherche à loger son groupe de chanteur/ses classiques) ou figuré (Denis Podalydès fait une apparition muette en client désabusé). L’avantage du film choral c’est qu’on peut passer de l’une à l’autre histoire sans creuser ni suivre une logique : la recherche du pittoresque se fait aux dépens d’un point de vue. La « persona » des comédien.nes tient lieu de personnalité aux personnages. « Tout le monde il est gentil » et les conflits potentiels sont évacués aussitôt qu’évoqués. Seule exception : la femme incarnée par Isabelle Candelier qui a un coup de foudre pour la maison, mais qui est affublée d’un mari psychorigide (Patrick Ligardes) qu’elle finit par envoyer « chier » en claquant la porte (et en sortant du film par la même occasion).

Peut-être peut-on voir dans ce film l’expression d’un groupe social « hors-sol », les fameux CSP+ des enquêtes sociologiques, ces bobos dont les soucis (ici immobiliers) n’atteignent jamais le niveau de tension qui pourrait les faire prendre au sérieux, protégés qu’ils sont par leur relatif confort, à la fois économique et culturel. Dans le monde de Bruno Podalydès, les rapports de genre, de classe et de race sont pacifiés… parce qu’on reste dans un entre-soi à l’abri des conflits du monde réel.

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