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« Les Amandiers » ou les yeux grands fermés


par Mona Chollet / samedi 3 décembre 2022

Article paru sur le site La Meridienne le 28 novembre, repris avec l’aimable autorisation de Mona Chollet

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Il y a quelque chose de fascinant dans la façon dont Les Amandiers, le film de Valeria Bruni-Tedeschi (sorti le 16 novembre), et les polémiques qui l’entourent semblent être en train de cristalliser un conflit de générations au cinéma et au théâtre. La réalisatrice a reconstitué dans ce long-métrage son expérience d’élève comédienne à l’école fondée dans les années 1980 au Théâtre des Amandiers, à Nanterre, par les metteurs en scène Patrice Chéreau et Pierre Romans. Nadia Tereszkiewicz y joue le rôle de Stella, le double de la cinéaste, tandis que Sofiane Bennacer interprète Étienne, inspiré de Thierry Ravel, l’ancien compagnon de Bruni-Tedeschi, également élève de l’école, mort d’une overdose en 1991. Autour d’eux, une joyeuse bande de jeunes acteurs campent des personnages librement inspirés d’autres camarades de promotion de la réalisatrice, dont beaucoup sont devenus célèbres : Eva Ionesco, Marianne Denicourt, Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Vincent Perez…

Le 22 novembre, Le Parisien a révélé que Sofiane Bennacer avait été mis en examen en octobre pour « viols et violences sur conjoints » à la suite des plaintes de quatre femmes. L’Académie des Césars a alors annoncé le retrait du nom de l’acteur de la liste des révélations masculines 2023. En 2021, moins d’une semaine après le début du tournage, peut-on lire dans Libération (25 novembre), la production des Amandiers avait déjà appris qu’une plainte pour viol avait été déposée contre son acteur principal, mais la réalisatrice avait insisté pour travailler avec lui malgré tout. Bruni-Tedeschi continue aujourd’hui à défendre celui qui est entre-temps devenu son compagnon, invoquant la « présomption d’innocence » et parlant d’un « lynchage médiatique ». Libération a illustré son enquête d’une photo saisissante, prise lors de la présentation du film à Cannes, sur laquelle Bennacer se tient entre Valeria Bruni-Tedeschi et Nadia Tereszkiewicz ; il met sa main devant les yeux de la réalisatrice, comme pour l’aveugler.

Au-delà de l’affaire elle-même, il est frappant de voir comment les accusations portées contre le comédien, et la façon dont Bruni-Tedeschi y réagit, amplifient certaines questions soulevées par le film. Doté d’un charme et d’une vitalité indéniables, Les Amandiers montre l’utopie théâtrale que fut cette école, l’euphorie des élèves d’avoir été choisis, les amitiés et les amours qui naissaient entre eux, leur enthousiasme, leur fantaisie, leur exubérance – leurs poses et leur narcissisme, aussi, parfois –, leur admiration pour leurs mentors, le côté touchant et parfois enfantin de ces derniers. On sourit, on rit beaucoup. Mais, de temps en temps, une scène fait sursauter. On voit Chéreau (interprété par Louis Garrel) forcer un élève à l’embrasser, un soir, alors qu’ils sont les derniers dans les locaux. On voit aussi sa brutalité envers Anaïs (Léna Garrel), qu’il humilie publiquement en lui assénant qu’il n’a jamais voulu d’elle dans l’école, que c’est Pierre Romans qui a insisté pour la prendre et que lui, il n’est « pas ému par elle ».

« Le machisme règne et les apprenties actrices se prennent des savons monumentaux en cas de retard ou d’oubli de répliques »

Le personnage d’Anaïs est vraisemblablement inspiré d’Agnès Jaoui. En 2018, retraçant l’épopée des Amandiers dans Le Monde, Clément Ghys écrivait : « Pour les apprenties actrices, la donne est différente. Le machisme règne et elles sont moins complices de Chéreau et Romans, se prennent des savons monumentaux en cas de retard ou d’oubli de répliques. Quand il ne s’agit pas de réflexions sur le physique. Assez vite, Agnès Jaoui n’en peut plus, et, ulcérée par l’emprise de Chéreau sur tout le monde, songe à quitter l’école. Marianne Denicourt résume : “Il fallait être un bon petit soldat quand on était une fille.” Et de tempérer : “Au moins, ça changeait du traitement que les hommes du métier réservent aux jeunes comédiennes” [1] (Traduction : au moins, Chéreau, étant homosexuel, n’agressait pas sexuellement les jeunes femmes.)

Beaucoup de critiques ont salué le fait que Valeria Bruni-Tedeschi ne dresse pas un portrait idéalisé de Chéreau, qu’elle a pourtant vénéré. Sauf que le statut de ces scènes démystifiantes n’est pas du tout clair. Certaines choquent une partie du public, mais… pas la réalisatrice. Interrogée par Télérama sur celle du baiser forcé, elle commentait en mai dernier : « À l’époque, on trouvait ça normal, on rigolait de Chéreau qui essayait d’embrasser des jeunes gens dans un couloir – Chéreau avait des élans mais ne faisait pas de harcèlement, de chantage. Je ne raconte pas cette scène de façon scandaleuse, c’est un moment de gêne pour Baptiste et de solitude un peu ridicule pour Chéreau [2]. » La seule chose qu’elle trouve grave dans le comportement de Chéreau et de Romans, c’est qu’ils se droguaient (cocaïne, héroïne) et donnaient ainsi un mauvais exemple à des élèves qui les idolâtraient.

On peut voir dans la désinvolture de la réalisatrice, et de ses camarades à l’époque, une illustration de plus du fait qu’un baiser forcé (« volé », selon un euphémisme révélateur) n’est souvent pas perçu comme une agression sexuelle, alors qu’il répond juridiquement à cette définition. Quand c’est une femme qui le subit, on le minimise parce qu’on estime plus ou moins consciemment que le corps des femmes est une chose publique, appropriable par n’importe qui ; et quand c’est un homme, on le traite effectivement sur le mode de la plaisanterie, comme si un homme adulte n’était pas censé se formaliser pour si peu, ni avoir une intégrité physique et sexuelle qu’il prétendrait faire respecter.

Une autre chose laisse très perplexe : le traitement de l’histoire d’amour entre Stella et Étienne. Au-delà des accusations qui pèsent sur Sofiane Bennacer, son personnage dans Les Amandiers apparaît comme extraordinairement malsain et toxique. Dans une scène, Adèle (Clara Bretheau) met d’ailleurs en garde Stella contre la violence d’Étienne, ainsi que contre sa propre tendance sacrificielle à vouloir le « sauver » de sa toxicomanie. Mais le film reste en quelque sorte au milieu du gué : il continue à traiter Étienne comme un jeune premier romantique et torturé avec qui l’héroïne vit une histoire d’amour certes un peu mouvementée et éprouvante, mais si intense. En plus de se montrer violent et jaloux, Étienne est lourdingue et antipathique ; on a vraiment du mal à voir ce qui séduit Stella chez lui. Le cliché est si énorme qu’il en naît presque un effet de comique involontaire et pathétique. La référence à Marlon Brando, c’est-à-dire à un acteur notoirement maltraitant, tant dans ses rôles que dans sa vie, est éloquente sur les origines de ce modèle de séduction virile, que le film n’interroge pas.

La « souffrance » de l’homme violent

L’attirance de la jeune femme semble se résumer entièrement à un syndrome du Saint-Bernard : Étienne l’attendrit parce qu’il a eu une enfance difficile et parce qu’il « souffre » – souffrance qu’il étale complaisamment à chaque réplique, ou presque. « Ce qui me touche dans un personnage violent, c’est sa douleur, c’est d’où vient la violence ; c’est cette tragédie enfantine, c’est son impuissance à s’exprimer autrement que par la violence, dit la réalisatrice dans le making-of du film, Des Amandiers aux « Amandiers ». Je vois l’enfant, en fait. Moi, par rapport à un personnage violent avec une femme, je voudrais ne pas être politiquement correcte. »

On ne peut s’empêcher de penser que Valeria Bruni-Tedeschi n’a pas tiré toutes les conclusions de l’expérience qu’elle a vécue aux Amandiers, ni analysé les rapports de pouvoir qui s’y jouaient, que ce soit entre élèves ou entre élèves et professeurs. Tout le monde ne peut pas avoir la lucidité précoce d’une Agnès Jaoui. Il y a de quoi être glacée par ces images d’archives (reprises dans le making-of) d’une interview dans laquelle, quand on lui demande ce qu’elle attend d’un metteur en scène, la jeune Valeria répond : « Qu’il m’aime, avant tout – même si je trouve que je n’ai pas tellement de raisons d’être aimée. Et puis qu’il me casse, aussi. Qu’il me casse. Qu’il me casse bien. Qu’il me casse tout. Qu’il me casse ! Qu’il me casse en deux, qu’il me casse, mes défenses et tout ça. »

Ces lieux communs masochistes, elle ne les a pas inventés : ils sont omniprésents au théâtre et au cinéma, où ils justifient toutes sortes de maltraitances. On pourrait comprendre et même respecter cette difficulté de la cinéaste à remettre en question la formation qu’elle a reçue. On le pourrait d’autant plus que, dans le communiqué qu’elle a publié en réaction à l’enquête de Libération, elle dit avoir été « abusée dans [son] enfance » et connaître « la douleur de ne pas avoir été prise au sérieux ». Sauf qu’ici, d’autres personnes sont impliquées. Lorsqu’elle décide de faire jouer sa jeunesse à ses acteurs, en se mettant elle-même dans le rôle que tenait Chéreau à l’époque, elle s’expose à reproduire les travers qui ont marqué sa propre formation.

« On essaie de creuser les choses qui nous détruisent le plus »

Des Amandiers aux « Amandiers » montre une réalisatrice enfermée dans son rêve, dans sa nostalgie ; le fait qu’elle soit apparemment tombée amoureuse de l’acteur qui jouait son amour de jeunesse ne fait que le confirmer. On n’y trouverait rien à redire – mettre les autres au service de son rêve, c’est la définition même de la mise en scène – s’il n’y avait pas chez elle un tel aveuglement aux abus de pouvoir, les siens comme ceux des autres. Ces abus de pouvoir sont bien sûr très courants ; ils sont admis et même considérés comme admirables lorsqu’ils sont le fait de metteurs en scène masculins et blancs, et ne sont en général dénoncés que lorsqu’ils sont pratiqués par une femme ou par une personne non blanche (se souvenir de l’affaire Kechiche après La Vie d’Adèle), dont la tyrannie est considérée comme moins légitime. Mais cela ne les rend pas moins problématiques dans tous les cas.

Sur le tournage, tel que le montre Des Amandiers aux « Amandiers », Bruni-Tedeschi soumet ses acteurs à un bombardement de directives psychologisantes et intrusives, qui pourrait n’être qu’agaçant, mais qui dérape franchement quand elle les pousse à révéler devant toute l’équipe – et, par la même occasion, devant la caméra des réalisateurs du making-of – certains de leurs secrets les plus intimes. On a très mal pour Vassili Schneider, en particulier. « Le film a été un petit peu comme une thérapie parfois, et parfois comme une anti-thérapie : on essaie de creuser les choses qui nous détruisent le plus », commente le jeune homme (23 ans) avec une placidité résignée [3], sans qu’on voie en quoi ce jeu de massacre consternant serait indispensable à la réussite d’un film.

Des Amandiers aux « Amandiers » met d’autant plus mal à l’aise qu’il est à l’évidence conçu comme une hagiographie de la cinéaste – il est coréalisé par Karine Silla Perez, épouse de Vincent Perez, qui fut le camarade de Bruni-Tedeschi aux Amandiers et le compagnon de sa sœur Carla Bruni. Souvent débutants, les jeunes acteurs qui y sont interrogés ne sont pas en position de formuler autre chose que des louanges au sujet d’une réalisatrice confirmée qui est aussi, rappelons-le, une femme immensément riche (c’était le sujet de son premier film, Il est plus difficile pour un chameau…) et la belle-sœur d’un ancien président de la République. L’une dit tout de même à mots couverts, en termes très diplomatiques, que le tournage a été difficile : « Mon caractère n’est pas vraiment compatible avec (…) cette manière de me bousculer. » Ce n’est peut-être pas un hasard si le seul qu’on voit se rebeller ouvertement contre le flot de directives incessant de la réalisatrice est Louis Garrel, qui, en plus d’être son ancien compagnon, de faire partie des acteurs plus âgés et d’avoir déjà une prestigieuse carrière derrière lui, appartient à l’un des clans les plus puissants du cinéma français. Ni si la seule à qualifier frontalement la méthode de la réalisatrice de « violente » est une autre Garrel : Léna, demi-sœur de Louis.

Ainsi, l’interdiction faite à l’équipe d’évoquer les accusations pesant sur Sofiane Bennacer – une omerta seulement brisée, une nuit, par l’intervention de colleuses féministes au courant de l’affaire – semble n’avoir fait que prolonger et amplifier un partage inéquitable du droit à la parole sur le tournage, recoupant des hiérarchies professionnelles, sociales, générationnelles. C’est seulement aujourd’hui que des actrices du film peuvent dire dans Libération, sous couvert d’anonymat, combien il leur a pesé de devoir travailler avec un homme accusé de viol [4], ou qu’une autre, Sandra Nkaké (Susan), peut clamer sa colère [5].

« Je trouve cette génération beaucoup plus précautionneuse que la nôtre »

Des Amandiers aux « Amandiers » montre une réalisatrice qui semble engagée non seulement dans une reconstitution de sa jeunesse, mais aussi dans un combat pour réhabiliter les valeurs de sa génération. Ce serait anodin si elle se contentait d’expliquer à ses jeunes acteurs ce que représentait Coluche dans les années 1980 ou de leur enjoindre de visionner La Maman et la Putain. Mais cela s’accompagne de fréquentes imprécations contre l’époque actuelle, qui serait trop morale. À l’appui de ce reproche, elle cite les interrogations dont lui a fait part une collaboratrice quant au traitement de l’avortement de Stella dans une conversation entre Stella et Adèle – une scène à laquelle il n’y a effectivement rien à redire. Mais elle ne pouvait pas ne pas avoir en tête, à ce moment, une contestation beaucoup plus sérieuse à laquelle elle avait été confrontée : les accusations contre Sofiane Bennacer, qu’elle choisit de passer sous silence.

« Je trouve cette génération beaucoup plus précautionneuse que la nôtre, et vraiment ça m’a fait plaisir de les malmener », fanfaronne-t-elle. Avec le tollé que suscite aujourd’hui la façon dont elle protège son acteur, il se produit un spectaculaire retour de boomerang : cette génération à laquelle elle prétendait faire la leçon lui tient tête, et affirme avec force son refus de tolérer les violences physiques et sexuelles. Au lieu de s’attendrir sur la « douleur » de l’homme violent, d’en faire une excuse, cette génération clame sa volonté de prendre plutôt en compte la douleur des femmes qui l’accusent. Faute d’examen critique, la bulle de rêve et de nostalgie a volé en éclats.

« Aujourd’hui, une telle école ne pourrait plus exister. Tant mieux. Mais alors, cette liberté et cette folie-là ne peuvent plus exister non plus. Cette absence totale de limites nous emmenait dans des endroits… intéressants. Des endroits où les élèves du Conservatoire n’allaient pas », disait encore Bruni-Tedeschi à Télérama en mai [6]. Ici, on retrouve ce raisonnement pour le moins déconcertant selon lequel, si on refusait les abus de pouvoir, la vie deviendrait sinistre. (Cela rappelle un peu ces gens qui redoutent que le rire disparaisse de la surface de la Terre si on arrête de faire des blagues racistes ou sexistes.) C’est aussi le réflexe qu’ont parfois des femmes qui vivent une relation d’emprise : elles semblent persuadées que la violence est le prix à payer pour les qualités qu’elles trouvent par ailleurs à leur compagnon.

Naïvement, on a envie de demander : pourquoi ? Pourquoi ne pourrait-on pas garder la liberté, l’exubérance, la fantaisie, tout en s’assurant que cette liberté est bien la liberté de tout le monde, tout en étant attentifs aux rapports de pouvoir et en refusant d’infliger ou de tolérer des violences sexuelles, physiques, psychologiques ? Le tri n’est pas si difficile à faire. Et, même s’il l’était, cela vaudrait la peine de s’y atteler. Sous peine de continuer à passer des bataillons de comédien-ne-s par pertes et profits.

Il faut que je l’avoue : le travail d’inventaire auquel Valeria Bruni-Tedeschi se refuse avec tant de force, j’ai moi-même besoin d’y procéder. Patrice Chéreau a été une grande figure de mon adolescence, et même de mon enfance. Quand elle était comédienne, ma mère a joué dans plusieurs spectacles de son ami Claude Stratz, metteur en scène genevois devenu par la suite, de 1981 à 1988, l’assistant de Chéreau aux Amandiers. Elle-même avait pour Chéreau une immense admiration, qu’elle m’a transmise. Gamine, j’ai vu à la télévision une rediffusion du Ring, l’opéra de Wagner monté en 1976 au Festival de Bayreuth par Chéreau et Pierre Boulez, qui m’a énormément marquée [7]. J’ai vu son Hamlet, avec Gérard Desarthe, au Festival d’Avignon, en 1987. J’ai vu sa magistrale interprétation, en duo avec Pascal Greggory, de la pièce de Bernard-Marie Koltès Dans la solitude des champs de coton, en 1995. J’ai vu le fascinant documentaire qui le montrait répétant Shakespeare avec des élèves du Conservatoire national d’art dramatique de Paris, en 1999. Au cinéma, j’en ai pris plein les yeux avec La Reine Margot, Ceux qui m’aiment prendront le train, Intimité… Mais, par ce qu’il montre de lui, et par les exhumations dont il est l’occasion, le film de Valeria Bruni-Tedeschi me fait prendre conscience des limites et des travers du personnage. Il me sort de l’idéalisation – et tant mieux, puisque ce n’est jamais une bonne idée d’idéaliser un être humain ; c’est toujours un abandon de souveraineté. Voilà peut-être la tâche qui s’impose à ma génération et aux précédentes : revisiter – sans forcément les renier entièrement – les admirations qui nous ont construites, en ouvrant les yeux sur les abus de pouvoir que nos « grands hommes » pratiquaient au nom de l’Art. Et en s’efforçant de ne pas les perpétuer ni les cautionner.


A lire également dans Le Monde : « Valeria Bruni-Tedeschi n’a pas analysé les rapports de pouvoir qui se jouaient aux Amandiers »


Polémiquons.

  • Très belle analyse, loin des invectives et des discours seulement « people ». Bien des choses interrogent en effet dans cette histoire : par exemple l’aveuglement « innocent » de notre génération sur la question de l’emprise ( ce que nous avons compris si tardivement avec l’affaire Gabriel Matzeff , bien plus grave par ailleurs), et aussi la propension féminine à se laisser gagner par le syndrome du sauveur, etc
    La mise en abyme que constitue le film, redoublée par le documentaire d’Arte offre une occasion de se poser ces questions, comme s’il nous tendait un miroir qui aurait le pouvoir magique de nous renvoyer dans le passé, ce qui a sans doute été le projet de la réalisatrice.
    Que penser de son obstination, ou de son égarement ( ces mots n’impliquent évidemment pour moi aucun jugement moral) non seulement à vouloir revivre dans le film mais aussi revivre « en vrai » une passion à 40 ans de distance ? Les personnes circulent, les rôles restent, ne font que s’échanger.
    Autre piste, amorcée par cet article, il suffit de regarder le nom des acteurs : le poids, la chance d’avoir des réseaux dans le monde du cinéma. Une grande famille décidément. Les déchirements n’empêchent pas ( stimulent paradoxalement ?) un soutien mutuel.

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[1Clément Ghys, « La bande du Théâtre des Amandiers : Chéreau en majesté », Le Monde, 3 août 2018. »

[2Clément Ghys, « La bande du Théâtre des Amandiers : Chéreau en majesté », Le Monde, 3 août 2018

[3Cassandre Leray, « Sur le tournage des Amandiers, “on avait l’impression d’être enfermés dans ce secret” », Libération, 25 novembre 2022.
Edit du 30 novembre. Je reproduis ici la réponse que m’a faite Vassili Schneider sur Instagram : « Il est inutile d’avoir “très mal” pour moi. Le tournage de ce film a été l’expérience la plus enrichissante que j’aie eue. En ce qui me concerne, il n’y a eu que du positif. Valeria nous a aidés à nous dépasser, à sortir de nos zones de confort, mais toujours avec énormément de bienveillance. Oui, j’ai dit qu’“on essaie de creuser les choses qui nous détruisent le plus”, mais ça fait partie du travail d’acteur. Tout acteur essaie de se mettre émotionnellement le plus à nu. C’est notre travail et je trouve injuste d’accuser Valeria sur sa manière de nous avoir guidés dans ce processus. Si j’ai eu envie de me livrer ce jour là devant Valeria et la caméra de Karine Silla, c’était de manière lucide et consentante. Personne ne m’a forcé, je ne me suis jamais senti contraint d’une quelconque façon. Les “directives psychologisantes” de Valeria, que vous jugez inutiles pour la réussite d’un film, se sont révélées au contraire pour moi extrêmement bénéfiques, libératrices et m’ont fait grandir. Je vous prie de ne pas m’instrumentaliser… Ne faites pas de moi une victime de Valeria Bruni-Tedeschi. »

[4Valérie Lehoux, « Affaire Sofiane Bennacer : Sandra Nkaké, au casting des Amandiers, “sous le choc et en colère” », Télérama, 25 novembre 2022.

[5Marie Sauvion, « Valeria Bruni Tedeschi : “Aujourd’hui, l’école de Nanterre, sa liberté, sa folie, ne pourrait plus exister” », Télérama, 22 mai 2022.

[6Marie Sauvion, « Valeria Bruni Tedeschi : “Aujourd’hui, l’école de Nanterre, sa liberté, sa folie, ne pourrait plus exister” », Télérama, 22 mai 2022.

[7« Le Ring de Wagner revu par Boulez et Chéreau : une production qui fit scandale et reste mythique », Télérama, 6 janvier 2016.