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Palme d’or au festival de Cannes 2024, Anora se focalise sur le personnage féminin éponyme incarné par Mikey Madison (découverte dans la série Better Things en 2016), strip-teaseuse qui pratique la lap dance dans un club de Manhattan ; le patron de la boite la présente à Vanya (Mark Eydelshteyn), un fils d’oligarque plein aux as, parce qu’elle est la seule à parler russe. Shooté à l’alcool, aux drogues et aux jeux vidéo, le jeune homme la paye pour passer une semaine avec lui ; il l’emmène à Las Vegas avec sa bande et lui propose le mariage, pour obtenir la carte verte qui lui permettra de rester aux Etats-Unis et d’échapper à sa famille. Elle accepte. Les parents de Vanya, alertés par Toros (Karren Karagulian), le garde-chiourme arménien du jeune homme, pilier de l’église orthodoxe, rappliquent pour faire annuler le mariage. Vanya qui n’a pas dessoulé depuis des jours, s’avère incapable de résister à ses parents. Anora finit par accepter l’annulation contre de l’argent.
Au vu du titre, on pourrait croire que le film est construit à partir du point de vue d’Anora, mais il n’en est rien. La caméra est constamment surplombante, d’abord pour filmer les filles qui se livrent à la lap dance dans le club, avec force plans sur les fesses qui ondulent quand elles sont sur les genoux de leur client : tout ce début est très long et difficile à supporter ! Puis quand Vanya emmène Anora dans le manoir ultrachic de ses parents (absents), on a droit à une suite très répétitive de scènes de sexe où Anora montre à Vanya toute l’étendue de ses compétences… A quoi succède l’épisode à Las Vegas, avec des séquences de boites de nuit et de souleries tout aussi répétitives…
Le ton change quand le couple revient dans la maison parentale et que Toros mobilise les deux gardes du corps russes pour surveiller les deux jeunes gens jusqu’à l’arrivée des parents. On assiste alors à un épisode burlesque assez réussi : Vanya s’enfuit et Anora déploie une capacité physique et vocale étonnante pour se défendre. Elle finit par être maîtrisée et accepte d’aider les trois hommes à retrouver Vanya qu’elle espère convaincre de tenir bon face à ses parents. Les gardes du corps vont se révéler plus proches des pieds nickelés que des « tueurs » qu’on aurait pu attendre… La tournée des boites de nuit dure un peu trop longtemps elle aussi, jusqu’à ce qu’Anora découvre Vanya dans son ancien club, aux mains d’une stripteaseuse en pleine lap dance… Fureur, crépage de chignons… rien ne nous sera épargné.
Anora comprend enfin qu’il n’y a rien à tirer du fils pourri qui file doux devant sa mère, arrivée en jet privé pour mettre fin à l’aventure, accompagnée du père qui, lui, trouve très drôle l’insolence d’Anora. La dernière partie flirte du côté du mélodrame, de façon assez convenue…
Le problème de ce film, ce sont les gros sabots avec lesquels il raconte cette histoire. On a l’impression que le réalisateur cherche constamment à nous en mettre plein la vue, avec des personnages réduits à l’état de pantins, y compris la protagoniste principale dont la capacité d’agir est réduite à une capacité de réagir plus ou moins efficacement à ce que les circonstances lui imposent. La Palme d’Or décernée à Sean Baker paraît très discutable, comme celle de 2022, Sans filtre, ou que celle de 2017, The Square, du même Ruben Ostlund. Les gros sabots impressionnent visiblement certains jurys.