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Grégory Magne / 2020

Les Parfums


>> Geneviève Sellier / lundi 20 juillet 2020

Emmanuelle Devos en accessoire


Sur l’affiche, le visage d’Emmanuelle Devos est en gros plan alors que Grégory Montel (qu’on a vu dans la série Dix pour cent) est réduit à une petite silhouette poussant d’énormes valises. Mais dans le film, c’est un peu l’inverse : toute l’histoire est racontée du point de vue du personnage masculin, un père divorcé qui doit faire ses preuves pour avoir la garde partagée de sa fille de dix ans, laquelle semble le voir plus par obligation que par plaisir. Chauffeur de maître, il a du mal à joindre les deux bouts et a déjà perdu des points de permis, ce qui fragilise encore sa situation. Son patron à la veille de le licencier, le charge d’une cliente particulièrement exigeante et taciturne qui ne supporte aucune odeur parce qu’elle est d’une sensibilité olfactive hors normes, ce qu’on appelle un « nez » : elle parcourt la France pour rencontrer des institutions ou des entreprises qui ont besoin de ses compétences (recréer l’odeur d’une grotte préhistorique dont on construit la réplique ; masquer l’odeur nauséabondes des fumées d’une usine ; améliorer l’odeur d’un cuir pour sac de luxe, etc.) ; il ne peut plus fumer et devient son homme à tout faire.
Un homme aux abois obligé de se mettre au service d’une femme de pouvoir désagréable ! La recette est connue : il s’agit d’inventer les péripéties qui changeront le rapport des forces et plus si affinités…

Peu à peu on apprend qu’elle aussi a une casserole : autrefois, créatrice de parfums réputée, elle a un jour perdu son odorat, sans doute par surmenage, et plutôt que de l’avouer, elle a triché, ce qui a entraîné sa chute… Elle en est réduite à créer des parfums pour les usines ou les grandes surfaces, bien qu’elle ait retrouvé ses facultés olfactives. Harcelée par son agente, elle semble vivre comme une zombie, sans ami.e ni famille, uniquement focalisée sur un travail qui est un pis aller.
Heureusement, celui qui devient son chauffeur attitré, n’écoutant que son bon cœur, va prendre fait et cause pour elle, défendre ses intérêts et se révéler peu à peu lui-même doué de capacités olfactives hors du commun. La ficelle est un peu grosse mais c’est le principe d’un feel good movie… On est si content de la voir se dérider au contact de cet homme aussi dévoué que sensible ! Alors qu’ayant fait ses preuves, il va pouvoir enfin louer un appartement assez grand pour accueillir sa fille, la tuile ! Elle a une nouvelle crise qui lui fait perdre l’odorat et prend des cachets qui lui provoquent un coma dans la voiture : affolé il la conduit à l’hôpital à tombeau ouvert et perd les derniers points de son permis. Elle est sauvée mais il est licencié, sans qu’elle le sache bien sûr… Il se retrouve à conduire une tondeuse à gazon sur le terrain d’un aéroclub, jusqu’à ce qu’elle finisse par apprendre pourquoi il a disparu. Elle vient le chercher après avoir guéri (à nouveau) grâce aux bons soins d’un spécialiste de l’olfaction qui a la tête improbable de Sergi Lopez…

Elle décide de se séparer de son agente harceleuse et de se lancer à nouveau dans les parfums, avec l’aide de notre homme qui devient le gérant de ses affaires. Tout est bien qui finit bien, elle a retrouvé le bonheur de créer des parfums, et il est enfin utilisé au mieux de ses capacités et a renoué avec sa fille, grâce aux conseils de sa patronne…

On ne sait pas pourquoi l’auteur de cette bluette nous a épargné un happy end romantique, mais il n’est pas exclu qu’Emmanuelle Devos, qui a douze ans de plus que Grégory Montel, ait été jugée « trop vieille » pour la chose.

Est-elle déjà réduite, à 55 ans, à servir la soupe pour nous attendrir sur l’histoire d’un père qui rêve de retrouver sa fille ? Malgré son métier prestigieux, elle n’a aucun environnement social ou familial, ce qui est un peu gros, sociologiquement parlant. Ça peut s’expliquer par le fait que le réalisateur (qui est aussi l’auteur du scénario) ne s’intéresse à son personnage féminin que pour sa capacité à (re)valoriser le personnage masculin, ce père divorcé si émouvant dans son désir de récupérer sa fille, ce père défaillant qui n’était en fait qu’un homme manquant de confiance en lui et de la confiance des autres…


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