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Laura Wandel / 2025

L’Intérêt d’Adam


par Geneviève Sellier / mercredi 22 octobre 2025

Des femmes assignées au "travail du care"

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Deuxième long-métrage de la réalisatrice belge Laura Wandel après Un monde (2022), L’intérêt d’Adam suit en caméra portée Lucie (Léa Drucker) dans les couloirs et les chambres de l’hôpital où elle exerce comme infirmière dans un service pédiatrique. Il s’agit de nous faire partager le rythme effréné de ce travail fait constamment dans l’urgence, faute de moyens.

Le film se focalise sur le cas d’Adam, un enfant de quatre ans, hospitalisé sur décision de justice à cause des carences qui ont provoqué une fracture du bras, carences dues au régime alimentaire que lui impose sa mère, Rebecca (Anamaria Vartolomei), une jeune femme isolée qui l’élève seule. Dans une relation fusionnelle avec son fils, elle en est donc séparée et l’enfant refuse de s’alimenter sans sa mère. Dés lors l’infirmière qui s’en occupe est confrontée à un dilemme : comment soigner l’enfant si on le sépare de sa mère, laquelle refuse de lui donner les plats préparés par l’hôpital ?

Si le point de vue du film est construit à partir de l’infirmière, sa relation empathique avec la mère évite de juger celle-ci. Ce qui est plutôt en cause, c’est la rigidité des règlements de l’aide sociale et de la justice, mais aussi la hiérarchie genrée du service (les deux médecins sont des hommes) : l’infirmière qui s’occupe au plus près des patients doit se soumettre aux décisions de ceux qui en sont plus éloignés.

Le film a tendance à exacerber cette opposition jusqu’à en faire le moteur dramatique du récit. Lucie s’interpose entre la mère d’Adam et son chef de service, pour tenter de la convaincre de se soumettre aux injonctions médicales, résistant à la volonté des médecins de la séparer de son fils. Elle va être amenée à prendre des risques, jusqu’à couvrir la mère quand elle tente de s’enfuir avec son fils et fait une chute dans un escalier.

Ce parti pris de dramatisation fait un peu oublier le problème du manque d’effectifs mais peut-être est-il moins aigu en Belgique où se passe l’histoire, qu’en France.

Comme dans le dernier film des frères Dardenne (qui co-produisent le film), Jeunes mères, L’intérêt d’Adam cherche à rendre compte de la détresse de la mère sans pour autant écraser le personnage sous des déterminismes sociaux ou psychologiques. Le dialogue avec elle n’est jamais rompu, grâce à la ténacité de l’infirmière qui confine à l’héroïsme. C’est peut-être là où le bât blesse : si la performance de Léa Drucker, tout en tension, est remarquable, avec une caméra qui ne la quitte quasiment pas, cela donne une vision héroïque de ce métier, que peu de personnes peuvent assumer. L’empathie manifestée par l’infirmière est d’autant plus forte que le patient est un très jeune enfant, totalement dépourvu d’autonomie. La spectatrice ordinaire peut avoir l’impression d’être prise en otage émotionnellement face à une telle situation.

L’Intérêt d’Adam a pourtant le mérite de traiter d’un problème aigu de nos sociétés : le fait que « le travail du care », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Pascale Molinier (La Dispute, 2013), est quasi exclusivement assuré par des femmes dont les institutions utilisent cyniquement les dispositions acquises par l’éducation pour s’occuper des autres, tout en dévalorisant financièrement et professionnellement ce type de travail pourtant indispensable au bien-être de tous, et en particulier des plus vulnérables.


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