Variation intéressante sur les pratiques masculines du pouvoir politique, ce film argentin raconte les premiers pas d’un président argentin fictif mais terriblement vraisemblable, lors d’un sommet latino-américain dans un luxueux complexe touristique de la Cordillère des Andes hivernale.
Présenté comme un « homme ordinaire », propulsé par un cacique qui lui sert de mentor, il va se révéler peu à peu comme moins manipulable que son entourage ne le supposait.
L’originalité du film est de tisser le privé et le public, à travers les rapports du président avec sa fille qui vit séparée de son mari, lequel a fait partie naguère des proches de l’homme politique, avant d’être évincé. Au moment où le film commence, il menace de révéler un détournement de fonds à l’époque où le président était gouverneur, alors même que celui-ci doit faire ses preuves dans une négociation internationale délicate puisqu’il s’agit de créer un équivalent latino-américain de l’OPEP, pour faire pièce à l’impérialisme nord-américain, sous la houlette du Brésil.
Le film tisse de manière un peu déroutante pour des spectateurs/trices français.es, les tractations politiques entre dirigeants et les rapports entre le père et sa fille, gravement perturbée par ses démêlés conjugaux. Le président fait appel à un hypno-thérapeute réputé pour la soigner pendant le sommet, et nous voyons les souvenirs/fantasmes de la jeune femme tourmentée…
Peu à peu, derrière cet « homme ordinaire » émerge une figure patriarcale de moins en moins rassurante, dont l’opacité ne sera pas complètement levée par le film, alors même qu’il affirme son pouvoir aussi bien dans les négociations internationales que dans les rapports avec son entourage.
On finit par se demander si l’on n’a pas affaire à un père abusif du même genre que celui du film chilien Mariana (cf. notre article sur ce film). Le jeu tout en retenue du grand acteur argentin Ricardo Darin (Dans ses yeux, 2009 ; Les Nouveaux sauvages, 2014) est pour beaucoup dans le malaise grandissant que suscite le personnage. Décidément, les cinéastes latino-américain·e·s montrent une virtuosité inégalée dans la peinture non complaisante du patriarcat.