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Tonie Marshall / 2017

Numéro Une


>> Geneviève Sellier / jeudi 19 octobre 2017

avec Emmanuelle Devos



Le dernier film de Tonie Marshall est plutôt une bonne surprise, après une série de films décevants… D’une part parce qu’il aborde un sujet important, la difficulté des femmes à accéder aux postes de pouvoir dans le monde de l’entreprise, et d’autre part parce qu’il réunit un casting brillant autour d’Emmanuelle Devos dont la performance est constamment remarquable (elle ne quitte quasiment pas l’écran).

Elle incarne une ingénieure brillante dont les capacités remarquables (elle parle couramment chinois…) ne suffisent pas à l’imposer dans l’entre-soi masculin qui règne au sommet de son entreprise de fabrication d’éoliennes. Elle est contactée par un « club » de femmes d’entreprise pour postuler à la direction d’une entreprise du CAC 40, dont aucune n’a jamais été dirigée par une femme… D’abord réticente à s’engager dans un combat où elle ne sent pas concernée, elle finit par relever le défi pour franchir une nouvelle étape dans sa carrière. Dès que sa candidature est connue, se déchaînent contre elle toutes les forces que peut déployer le club très fermé des dirigeants des grandes entreprises.

Comme souvent dans le cinéma français, la réalisatrice a fait confiance davantage aux performances d’acteur qu’à l’écriture du scénario. Si on regarde avec plaisir défiler une brillante galerie d’acteurs au mieux de leur forme (Richard Berry en patron cynique, Sami Frey en père affectueusement distant, Benjamin Biolay en jeune loup aux dents longues), ce sont les actrices qui tiennent le haut du pavé, et en particulier Francine Bergé, en animatrice très politique du club féminin, entourée de Suzanne Clément et Anne Azoulay. Seules les réalisatrices sont capables de proposer une telle diversité de personnages féminins…

Mais, bien que le scénario soit co-écrit par trois femmes, dont la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué, le film manque cruellement de complexité et de subtilité dans la description des péripéties de cette lutte pour le pouvoir. On dit dans les médias que Tonie Marshall avait l’intention de faire une série. Effectivement, la durée est un facteur stratégique pour rendre compte de la complexité de ce type d’affrontement…

Et, last but not least, le féminisme dont il s’agit ici ressemble furieusement à celui d’Hillary Clinton : il s’agit pour ces femmes d’obliger les hommes à partager leur pouvoir, dans le meilleur des mondes capitalistes ! La lutte pour le pouvoir n’est pas vraiment modifiée dans le film par le fait que la candidate soit une femme. On peut regretter une vision aussi peu subversive de l’émancipation des femmes !

>> générique

Polémiquons.

  • Vision peu subversive, en effet ! L’égalité H/F passant par le CAC 40, un marronnier pour les médias, désormais repris au cinéma. Quand bien même la parité serait respectée (mais elles avec des rétributions et des retraites chapeaux amoindries ?), qu’est-ce qui serait changé ? 20 femmes au CAC 40, 10 médaillées olympiques, 3 césarisées et 1 oscarisée, quelques nobélisées de plus : et alors ? Toujours cette manie française de mesurer la "réussite" à l’aune des élites. Qu’une réalisatrice se prête à ce jeu, des actrices aussi : ok, l’élite parle à l’élite. Petit entre-soi anecdotique.

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