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Ivan Calbérac / 2019

Venise n’est pas en Italie


>> Geneviève sellier / jeudi 4 juillet 2019

Vive le patriarcat populaire à la française !


Synopsis officiel :
La famille Chamodot est fantasque et inclassable. Bernard, le père, un peu doux-dingue, fait vivre tout le monde dans une caravane, et la mère, Annie teint les cheveux de son fils Émile en blond, parce que, paraît-il, il est plus beau comme ça !!! Quand Pauline, la fille du lycée dont Émile est amoureux, l’invite à Venise pour les vacances, l’adolescent est fou de joie. Seul problème, et de taille, les parents décident de l’accompagner avec leur caravane, pour un voyage aussi rocambolesque qu’initiatique.

On aura peut-être reconnu un schéma narratif dont le cinéma populaire français est actuellement friand : comment un enfant (de préférence masculin) de milieu populaire, qui essaie de réussir grâce à son intelligence exceptionnelle, est plombé dans son ascension sociale par sa famille aussi aimante qu’imprésentable. C’était aussi le « pitch » des Tuche 2. Venise a remplacé Los Angeles, mais on a tout le reste, y compris la caravane, et surtout le patriarche de la tribu, qui est à la fois la tête d’affiche (Jean-Paul Rouve chez les Tuche, Benoit Poelevoorde chez les Chamodot) et finalement le bon objet du film.

Pourtant le personnage de Benoit Poelvoorde nous est présenté au début comme totalement défaillant : il promet à sa femme depuis vingt ans une maison, mais le couple vit dans une caravane sur un terrain en attendant un permis de construire qui ne vient pas. Pendant ce temps, le fils squatte une chambre chez les voisins. Le père est représentant de commerce indépendant, mais on le voit surtout se faire claquer la porte au nez. Sa femme manifeste une certaine lassitude mais semble toujours prête à croire à ses nouvelles promesses et applaudit à toutes ses initiatives (comme d’accompagner leur fils à Venise).

Le statut de faire-valoir des personnages féminins se retrouve dans la génération des enfants : dans les deux films, le jeune garçon est un génie des maths (visiblement, les scénaristes ont senti que les matières « littéraires » représentaient un obstacle insurmontable pour les enfants de milieu populaire… et chacun sait que les maths sont un domaine de compétence masculin…) et c’est grâce aux maths que le jeune Emile Chamodot (Helie Thonnat) va approcher la belle Pauline (bien sûr, les filles n’y comprennent rien, aux maths…). Belle, Luna Lou l’est indubitablement, mais on ne saura pas grand-chose d’autre d’elle, sinon qu’elle fait de la harpe pour essayer d’attirer l’attention d’un père aussi célèbre chef d’orchestre qu’absent et odieux (Nicolas Briançon). Apparemment séduite par ce garçon aussi timide que fort en maths, elle l’invite au concert à Venise où elle doit jouer sous la direction de son père. Comme les parents d’Emile ne peuvent pas lui payer le voyage, ils vont l’accompagner en voiture, en traînant la fameuse caravane.

Dans la tradition de la comédie burlesque, le voyage est l’occasion d’une succession d’incidents plus ou moins catastrophiques dont le père est toujours responsable, mais le fils arrive quand même à temps pour le concert, grâce à une moto « empruntée » par son frère aîné, en pure perte apparemment, puisque la jeune fille ne le voit pas. Qu’on se rassure, il la retrouvera et elle sera séduite par la chaleur humaine de la famille Chamodot, alors que sa propre famille friquée et snob est un enfer : ce manichéisme social est sans doute la principale faiblesse du film, du point de vue scénaristique.

La morale de l’histoire, à part que les riches sont sans cœur (sans blague !), c’est que le parfait « looser » incarné par Benoit Poelvoorde, qui au début du film, a l’air d’exaspérer tous ses proches par sa capacité illimitée à se raconter des histoires, finit par être « réhabilité » parce que lui, au moins, il aime sa femme et ses enfants et n’a d’autre ambition que les rendre heureux. Autrement dit, les hommes n’ont pas à faire leurs preuves, du moment qu’ils sont sincères… Pour le reste, les femmes (et les enfants) y pourvoiront. On ne saurait mieux dire le double standard genré du film.

>> générique

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