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Jeanne Aslan et Paul Saintillan / 2023

Fifi


par Geneviève Sellier / vendredi 14 juillet 2023

Une vision solaire de la banlieue…

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En ces temps de révolte urbaine, Fifi vient nous rappeler opportunément que la vie dans les banlieues ne se résume pas à l’exclusion, aux discriminations et aux violences policières que subissent les populations qui y vivent.

La réalisatrice Jeanne Aslan, arrivée de Turquie en France dans son enfance, qui a vécu dans une banlieue populaire et dans une famille nombreuse, revendique la dimension autobiographique de cette histoire, qui fait écho à sa rencontre avec son co-réalisateur Paul Saintillan, elle qui a quitté l’école et fugué à 16 ans, et lui qui vient d’un milieu favorisé et qui a fait la FEMIS.

La qualité du film tient à la précision et la délicatesse de la description des situations et des sentiments pour raconter la rencontre de Fifi, quinze ans, qui étouffe dans l’appartement HLM où elle vit avec sa mère, son beau-père et ses nombreux frères et sœurs, chaleureux mais envahissants, et qui va squatter, à la faveur des vacances, la maison qu’elle croit vide de Jade sa copine de classe, sans savoir que le frère aîné de Jade, Stéphane, étudiant qui termine à Paris une école de commerce et s’interroge sur son avenir, revient s’y installer provisoirement.

Comme dans le conte Boucle d’or, Stéphane découvre Céleste, non pas endormie dans son lit, mais écoutant de la musique dans sa baignoire… Après la stupéfaction initiale et réciproque, va s’installer une cohabitation amicale entre l’adolescente curieuse de cette vie autre que la sienne, dans cette maison aussi confortable, claire et tranquille, qu’est exigu et chaotique l’appartement familial, et le jeune homme, de 8 ans plus âgé, qui flotte dans un moment charnière de sa vie, plein d’hésitations sur ses choix…

Le petit miracle de cette rencontre à l’écart des regards et des contraintes sociales, tient aussi aux deux jeunes acteurs : la merveilleuse Céleste Brunnquell qu’on a découverte dans la série En thérapie, où elle incarnait une jeune athlète en souffrance, et qui rayonne ici avec ses yeux bleus grand ouverts sur le monde, et ses cheveux qui, lâchés, sont comme une auréole en mouvement autour de son visage. Sérieuse, attentive aux autres, silencieuse, elle est le point de vue sur lequel se construit le film. Face à elle, Quentin Dolmaire, qui a commencé sa carrière au cinéma avec le film de Desplechin Trois souvenirs de ma jeunesse (2016), incarne une sorte de « grand frère » qui peu à peu s’implique dans sa relation avec Sophie, sans pour autant perdre de vue leur différence d’âge, qui à ce moment-là de leur vie à chacun.e, est considérable.

Pas de happy-end à cette « parenthèse enchantée » : Fifi reprend sa place auprès de ses frères et sœurs, mais avec une assurance nouvelle, sans doute la sensation d’être une personne à part entière…

Ce film témoigne d’une vision résolument optimiste des rapports humains et sociaux, aussi dépourvue d’angélisme que de cynisme, mais aussi d’une capacité exceptionnelle à rendre compte poétiquement du quotidien le plus banal. Un grand bol d’air frais !


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