pour une critique féministe des productions audiovisuelles

♀ le genre & l’écran ♂


Accueil > Films récents > Chronique d’une liaison passagère

Emmanuel Mouret / 2022

Chronique d’une liaison passagère


Par Geneviève Sellier / lundi 3 octobre 2022

Un plaidoyer pro domo...


J’ai vu le dernier film d’Emmanuel Mouret dans le cinéma d’art et d’essai de Châtellerault, Les 400 coups, qui proposait un court métrage du même auteur, intitulé Consentement, en première partie de programme. Initiative heureuse à double titre : retrouver ce beau principe du court-métrage avant le long, institué après-guerre et peu à peu abandonné au profit de la publicité ; et dans ce cas particulier, le court-métrage de 2019, sorte de variation sur le film précédent du cinéaste, Mademoiselle de Joncquières, en costumes du XVIIIe siècle, a le mérite de confirmer le positionnement d’Emmanuel Mouret par rapport au mouvement #MeToo : Consentement met en scène deux jeunes mondains qui devisent de leur relation : le marquis se plaint que la jeune femme qu’il courtise lui ait préféré un comte plus entreprenant alors que lui n’avait pas osé l’embrasser par timidité et par respect. Elle lui apprend bientôt qu’elle a rompu avec le comte, sans donner d’ailleurs de raison ; il tente alors de l’embrasser mais elle s’écarte, sous prétexte que son geste manque de naturel ; il lui en fait le reproche et elle revient vers lui pour l’embrasser. Dans ce petit exercice de style, la femme apparaît comme inconséquente, charmée par la cour discrète que lui fait le marquis, mais incapable de résister aux assauts d’un séducteur plus entreprenant. Le titre ne peut pas avoir été choisi par hasard : on sait que le consentement est une des grandes questions que le mouvement #MeToo a posées à nouveaux frais… Il s’agit de tourner en dérision, sous des oripeaux aimablement littéraires, la revendication féministe du consentement.

Ce plaidoyer pour les hommes doux que les femmes seraient incapables d’apprécier à leur juste valeur, se retrouve dans un registre plus contemporain dans le dernier long métrage du cinéaste. Cette Chronique d’une liaison passagère met en scène la rencontre amoureuse d’une femme aussi indépendante qu’entreprenante, Charlotte incarnée par Sandrine Kiberlain, au mieux de sa forme (célibataire avec trois enfants remarquablement absents du récit) et d’un homme doux, Simon incarné par Vincent Macaigne (alter-ego de l’auteur depuis Les choses qu’on dit...), certes marié et père de deux enfants (qui ne viendront jamais encombrer eux non plus le récit ni l’écran), mais aux antipodes d’un comportement de séducteur. C’est elle qui mène la danse, le rassurant constamment sur leur relation : il ne trompe pas sa femme puisque leur relation est d’une tout autre nature ! (il fallait y penser)

Chaque rencontre est précédée d’un carton indiquant une date : si on en juge par la fréquence de leurs rencontres, ils ne sont ni l’un ni l’autre trop occupés par leur travail, ce qui est une constante dans l’univers d’Emmanuel Mouret, uniquement préoccupé de relations sentimentales et/ou sexuelles … On ne voit pas bien ce qu’elle fait ; quant à lui, on comprendra qu’il est sage-femme en libéral, prodiguant des conseils de caresse aux bébés in utero… (on aimerait que ce métier qui s’exerce dans des conditions de plus en plus dures, se résume à ce genre de séance).

Mais l’essentiel est évidemment ailleurs : leurs rencontres, qui ne semblent avoir pour limites que leur propre désir, sont interrompues par les vacances que Simon prend avec sa famille : quand il revient trois semaines plus tard, Charlotte lui annonce qu’elle est tombée amoureuse de Louise (Georgia Scalliet), la jeune femme avec qui ils avaient organisé une séance de baise à trois (on se demande d’ailleurs pourquoi…). Elle met fin à leur relation, ce qu’il accepte bien sûr avec douceur malgré la souffrance d’être brutalement éjecté. Un épilogue les fait se rencontrer par hasard deux ans plus tard, et Simon explique à Charlotte qu’il a été victime de sa lenteur : Louise qui était en train de se séparer de son mari, a pris l’initiative de proposer à Charlotte de vivre avec elle. Alors que lui, plus lent, n’a pas osé quitter sa femme pour vivre avec Charlotte. Celle-ci l’écoute de plus en plus émue, ce qui confirme l’hypothèse de Simon, mais finit par le quitter avec regret : c’est trop tard, elle est engagée dans un projet de PMA avec Louise. Le film se donne à bon compte un air de modernité avec ce changement d’orientation sexuelle de Charlotte et Louise, qui ne suscite bien sûr aucune remarque homophobe de la part de Simon…
Dans le cinéma d’Emmanuel Mouret (mais il n’est pas le seul en France), la domination masculine n’existe pas. Vincent Macaigne, avec son air de gros nounours encombré de lui-même, incarne cette masculinité douce et sans défense. Les femmes mènent les hommes par le bout du nez dans un univers totalement déconnecté des réalités sociales : on se promène entre Maison et jardins (les appartements tellement distingués) et National Geographic (la nature tellement romantique). Le seul élément que je mettrai à son crédit, c’est qu’il nous épargne les scènes de sexe : on voit beaucoup les protagonistes au lit, mais toujours après l’amour et les corps sous les draps…


générique


Polémiquons.

  • Les derniers films de ce réalisateur sont toujours élégants. Ils ne sont pas souillés par les vicissitudes de la vie quotidienne, ni par les sécrétions corporelles. Ils sont gentiment apaisants. Un peu fourbe ?
    Dans cette ambiance les dialoguent sont importants. Ils délivrent un message illustré par des images. Message toujours au sujet des relations homme-femme.
    De prime à bord "chronique d’une liaison passagère" peut être considéré comme une ode à l’adultère masculin puisque l’héroïne n’est pas mariée et quelle justifie cette relation. Mais c’est un peu court au regard des dialogues et des situations filmées.
    Ce film pourrait s’intituler "comment rater une histoire d’amour". Et le scénariste-réalisateur met en exergue les raisons de cet échec.
    Pour vivre pleinement une histoire d’amour il faut que la femme ne soit pas trop autonome/entreprenante et que l’homme soit un peu plus viril sans pour autant être violent. C’est cette virilité qui fera émerger la vérité d’une relation amoureuse.
    Par un contre exemple, Emmanuel Mouret nous montre la voie à suivre.
    En contradiction avec les tendances lourdes des mouvements féministes ? A coup sûr !

  • Tout ce que tu dis est juste. Mais je crois là qu’il s’est pris les pieds dans le tapis de ses obsessions /fantasmes à répétition. C’est juste un mauvais film, raté, non ?

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.