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Mohammed Hamidi / 2020

Une belle équipe


>> Geneviève Sellier / samedi 18 janvier 2020

Le foot féminin face au machisme


En mars 2018 sortait Comme des garçons, un film modeste d’un réalisateur et avec des acteurs/trices également inconnu.es… Difficilement financé, il racontait l’histoire de la (re)création de la première équipe de foot féminin à la fin des années 1960, malgré l’hostilité de la Fédération française de foot [1]. Le site Le Genre et l’écran avait rendu compte de cette excellente petite comédie qui montrait dans le détail les multiples manifestations du machisme dans la sphère privée, associative et professionnelle, mais aussi les formes jubilatoires de ce féminisme populaire aussi concret que peu politisé [2]. Mais comme ce genre de thématique n’intéressait pas encore les médias (si tant est qu’aujourd’hui, ça les intéresse…), le film n’a même pas atteint les 100 000 entrées en France…

En janvier 2019, moins d’un an plus tard, sort Une belle équipe, un film sur le même sujet, bien que totalement fictionnel, la création d’une équipe locale de foot féminin pour remplacer les joueurs éliminés ; cette fois-ci le film est porté par une star (masculine) Kad Merad, qui joue le rôle de l’entraîneur, entouré d’un casting féminin brillant où l’on trouve Céline Salette, Sabrina Ouazani et Laure Calamy. Le réalisateur est Mohamed Hamidi, co-fondateur du Bondy Blog en 2000, qui s’est fait connaître au cinéma par la comédie La Vache, en 2016, qui racontait le périple à travers la France profonde d’un paysan algérien dont la vache était sélectionnée pour le Salon de l’agriculture à Paris.

On retrouve dans Une belle équipe la même verve comique et le même optimisme qui voit les valeurs de solidarité finir par prendre le pas sur les réflexes égoïstes – racistes dans La Vache, machistes dans Une belle équipe.

Une équipe locale de foot du nord de la France se fait éliminer en cours de saison pour avoir provoqué une bagarre sur le terrain. C’est la disparition assurée du club cinquantenaire si l’entraîneur ne trouve pas un moyen de finir la saison. Aucun joueur n’étant disponible dans la région, sa fille lui suggère de former une équipe féminine, ce qu’il accepte malgré l’hostilité du président du club et de tous les joueurs. Certaines des femmes qui relèvent le défi sont mariées et mères de famille, et on assiste à des scènes aussi réalistes que jubilatoires, du mari totalement dépassé par les tâches ménagères et le soin aux enfants, ou du mari furieux que « sa femme » montre ses cuisses en public, etc…

La solidarité entre femmes permet de déjouer la plupart des obstacles, mais tous les moyens bons pour empêcher les joueuses de s’entraîner, y compris en rendant le stade local impraticable… et le premier match face à une équipe masculine est une catastrophe. Le rapport des forces va changer avec l’arrivée d’une joueuse expérimentée mais en liberté conditionnelle (comme par hasard, elle est d’origine maghrébine…), mais les performances meilleures de l’équipe ne font que renforcer la volonté de l’ex-président du club, dont l’épouse est une des joueuses, de les détruire.

Le film développe une vision empathique des couches populaires sans forcer le trait comme dans la série des Tuche, et finalement les pires machos se révèlent les grands pontes invisibles de la Fédération.

À la solidarité entre les joueuses malgré leurs différences sociales, fait face la détermination du patriarcat local et national de les faire échouer. C’est le pot de terre et le pot de fer, et on ne voit pas comment elles peuvent s’en sortir, quand la fédération leur interdit les matches mixtes (équipe masculine contre équipe féminine), d’autant plus que le mari de l’une d’entre elles (Céline Salette) la quitte en la laissant avec leurs trois enfants.

Il faut un deus ex machina pour résoudre ces contradictions : le père de l’entraîneur (André Wilms) qui fait figure de grand ancêtre du club et appuie l’équipe féminine, feint une crise cardiaque pour que les hommes prennent conscience qu’ils sont « allés trop loin ». Cette « conversion » aussi miraculeuse qu’invraisemblable en dit long sur les blocages insurmontables que le machisme maintient dans la réalité sociale…

Et il faut toute l’aura de Kad Merad, figure d’une masculinité populaire chaleureuse et bienveillante depuis Bienvenue chez les Ch’tis (2008), pour nous faire croire à ce personnage de coach instantanément converti à l’égalité des sexes…

Certes pour respecter un minimum de vraisemblance, le match gagné par l’équipe féminine contre une équipe masculine ne sera pas validé par la Fédération, mais les joueuses auront initié une nouvelle forme de sociabilité fondée sur la solidarité entre dominées, au-delà des clivages sociaux et ethniques, et en cela le film fait écho (volontairement ou non) au mouvement des Gilets jaunes.


>> générique


Polémiquons.

  • J’ai vu ce film parce qu’il faisait l’objet d’une critique sur ce site.
    Film du dimanche soir, sans doute diffusé par TF1 ou Fr 3 (à priori participation financière) s’il n’y a pas, à l’avenir, de phénomène de type "backlash", c’est une comédie féministe "soft" à voir en famille.

  • féminisme, il faut le dire vite hein ! Des maris machistes au possible qui font tout pour pourrir la vie de l’équipe et de leur femme (jusqu’à les laisser avec les enfants) mais sont instantanément pardonnés dès lors qu’ils reconnaissent leur faute ?
    Le système machiste de la fédération annule leur réussite : oh ben c’est pas grave hein, on va retourner aux fourneaux...

    une petite conclusion montrant le changement dans les mentalités des couples aurait été pas mal pour montrer une évolution de la pensée qui semble totalement absente de ce film...

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