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Cécilia Rouaud / 2018

Photo de famille


>> Geneviève Sellier / vendredi 7 septembre 2018


avec Vanessa Paradis, Jean-Pierre Bacri, Camille Cottin, Pierre Deladonchamps, Chantal Lauby

Si vous êtes comme moi doté.e d’une fratrie aussi attachante que compliquée, que vous venez de vous résigner à « placer » votre mère (ou votre grand-mère) dans une maison de retraite aussi « bien » soit-elle, que vous essayez d’être à la hauteur avec vos enfants sans être sûr.e d’y arriver, alors vous aurez du mal à ne pas vous laisser prendre par Photo de famille... Cerise sur le gâteau, le film est rythmé par la chanson de Cat Stevens « Wild Word » qui a bercé ma jeunesse ! Heureusement, une vieille féministe comme moi a des ressources pour résister au charme (relatif) de cette comédie trop gentillette.

Tout d’abord la situation parentale qui, en y réfléchissant cinq minutes, est dépourvue de toute vraisemblance : les trois jeunes adultes qui sont au centre du récit, deux sœurs et un frère, ont été séparé.e.s très jeunes par le divorce de leurs parents : la mère a eu la garde du garçon, le dernier de la fratrie, et les deux filles ont été confiées à leur père, dont on apprend par ailleurs qu’il changeait de copine « toutes les semaines » ; cette séparation a traumatisé les trois enfants qui ne se sont désormais retrouvés qu’en été chez leur grand-mère, celle qui est train de perdre les pédales, et que les deux filles essaient de prendre en charge à tour de rôle, avant de se résigner à la « placer ».

La mère (Chantal Lauby) est psychothérapeute, le père (Jean-Pierre Bacri) est cadre dans une grande entreprise (on n’en saura pas plus, sinon que sa cantine est bonne !) et a fait une fin en épousant sa secrétaire qu’il vient de mettre enceinte, à soixante ans.

Compte tenu des pratiques dans le domaine de la garde d’enfants en cas de divorce dans les années 70-80, on a du mal à croire à cette « répartition » qui consiste à séparer la fratrie lorsque les enfants sont très jeunes et à confier les deux fillettes à un père qui court le guilledou...

Cette invraisemblance de départ mine la crédibilité de cette histoire de famille. On comprend mal d’ailleurs comment la réalisatrice qui est aussi la scénariste a laissé passer cette invraisemblance, sinon comme un lapsus : il s’agit de répartir entre les deux parents la responsabilité du « traumatisme » que les enfants ont subi, alors que la vraisemblance penche du côté d’un abandon paternel... mais alors on ne pourrait pas s’attendrir sur l’incapacité du père à parler à sa mère comme à ses enfants, en particulier à son fils.

Et au lieu d’avoir une comédie familiale gentillette, on risquerait d’avoir un film dénonciateur de l’incapacité de beaucoup d’hommes de cette génération (soyons optimiste !) à s’occuper aussi bien de leurs descendants que de leurs ascendants...

Si le film se laisse voir, c’est que la distribution est brillante et les dialogues plutôt bien écrits. Bacri a effectivement vieilli, mais il fait moins que d’habitude son numéro de vieux ronchon misanthrope ; Camille Cottin a le don de passer du rire aux larmes, de l’agressivité à la vulnérabilité ; Vanessa Paradis est touchante en mère célibataire qui finit par lâcher la grappe à son fils ; Pierre Deladonchamps, qu’on a vu récemment dans L’Inconnu du lac, Nos années folles et dans Plaire, aimer et courir vite, confirme sa capacité à jouer les hommes vulnérables.

Mais il manque à Photo de famille, comme à beaucoup de comédies dramatiques françaises, le courage de porter un regard lucide sur les rapports de domination tels qu’ils s’exercent dans la famille et dans les rapports entre hommes et femmes.



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